Comment se fait-il que la plus fidèle des lieutenants du président Trump tire sa révérence? À Rome comme à Ellijay, dans le nord-ouest de la Georgie, le bastion de Marjorie Taylor Greene, l'annonce de son départ, le 21 novembre dernier, a eu l'effet d'une bombe.

Et en même temps, on est peu surpris. C'est que de nombreux électeurs en ont gros sur le cœur.

Elle a raison, dit un passant qui préfère garder l'anonymat. Donald Trump s'occupe davantage des affaires internationales que des affaires intérieures. Il voyage partout, il est toujours avec des leaders étrangers. En plus, on continue d'envoyer des milliards à Israël. Ils ont une assurance maladie, alors qu'on n'en a pas ici.

L'amertume est palpable. Dans ce district à majorité blanche, chrétienne et conservatrice, le revenu moyen est d'environ 26 000 $ par année. L'aide financière à Israël comme à l'Ukraine ne passe pas.

L'homme en a beaucoup à dire là-dessus. Il soutient que le Congrès est à la merci de l'American Israel public Affairs Committee (AIPAC), et se préoccupe davantage d'Israël que des Américains. Trump promettait d'être différent, évoque-t-il, déçu.

Pourquoi on a bombardé l'Iran? Ce ne sont pas nos ennemis, c'est l'ennemi d'Israël. On nous a lavé le cerveau contre l'Iran, contre les musulmans, les Arabes, pendant trente ans, alors que, personnellement, je n'ai rien contre eux.

Marjorie Taylor Greene, en d'autres temps, lors d'un rassemblement organisé en soutien à Donald Trump près de l'édifice abritant la Cour criminelle de Manhattan. (archives)

Photo : Getty Images / ANGELA WEISS

Ces critiques font écho aux propos que l'élue, ex-MAGA, tient depuis quelques mois sur les plateformes d'influenceurs comme Tucker Carlson ou encore Megyn Kelly.

Pour Marjorie Taylor Greene, l'AIPAC, qui fait du lobbyisme à Washington depuis les années 1950, devrait être enregistré comme une entité étrangère.

Israël est le seul pays qui a un certain contrôle sur presque chacun de mes collègues.

Le baladodiffuseur Roy Hambrick ne pense pas autrement. Dès qu'on pose des questions sur l'AIPAC ou sur le premier ministre israélien Nétanyahou, on nous traite d'antisémites, ce n'est pas correct, déplore-t-il.

Surtout, il souhaite que l'administration Trump mette l'accent sur la classe moyenne, l'abordabilité, l'assurance maladie et non sur des conflits extérieurs.

Dieu, les armes et le pays

Séance de tir à la mitrailleuse, à Wildwood, en Georgie.

Photo : Radio-Canada / Azeb Wolde-Giorghis

Ici, c'est l'Amérique d'abord, America first. On adhère à la devise God, Guns, Country. À Wildwood, c'est la quatrième séance annuelle de tir à la mitrailleuse. Il y en a pour tous les goûts, des AR-15 aux lance-roquettes.

À 100 $ l'entrée, c'est aussi une campagne de financement pour Colton Moore, qui convoite le siège de Marjorie Taylor Greene depuis sa démission.

À 32 ans, Colton Moore, qui siège au Sénat de l'État, a déjà eu des démêlés avec la justice en Georgie, notamment pour avoir interrompu une cérémonie au Parlement qui rendait hommage à l'ancien président de l'Assemblée.

Colton se décrit comme un chrétien sioniste. Il soutient fermement le droit d'Israël à se défendre. Il condamne d'ailleurs sans détour l'attaque meurtrière du 7 octobre 2023 du Hamas contre Israël.

Mais comme de nombreux autres, il estime que l'aide doit cesser.

Les États-Unis sont cassés, on ne veut plus financer Israël, on n'a plus d'argent, on a nous-mêmes faim.

Colton Moore, membre du Sénat de la Georgie.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Richard

Mais il n'y a pas qu'Israël. Il a aussi l'Ukraine dans sa ligne de mire. Pour Colton Moore, la politique intérieure doit primer sur la politique internationale.

Tout l'argent qu'on envoie en Ukraine maintenant, si vous divisez le montant sur cinquante États, et que chaque État obtient un montant égal, notre comté recevrait 10 millions de dollars du gouvernement fédéral. Imaginez tout ce qu'on peut faire avec 10 millions de dollars.

Mais plus que toutes ces considérations, c'est l'affaire Epstein qui a été la goutte qui a fait déborder le vase et déchiré le mouvement MAGA. Depuis près de dix ans, le mouvement réclame la publication de tous les dossiers de ce scandale sexuel impliquant des mineures. Il n'a jamais compris, pas plus que Marjorie Taylor Greene, pourquoi Trump, après l'avoir promis, a tant hésité à le faire une fois élu à la présidence.

À New York, parmi les électeurs qui ont voté pour Zohran Mamdani, un sur dix avait voté pour Donald Trump en 2024. Les questions sur le coût de la vie ont résonné davantage que les questions internationales.

Et le mardi 2 décembre, au Tennessee, le républicain Matt Van Epps l'a emporté par une marge de 9 points sur les démocrates dans le septième district, alors que la marge était de 22 points lors de la dernière élection.

Peut-être un premier signe d'essoufflement du mouvement MAGA.