Dans un registre différent – le premier, explosif; le second, plus feutré –, Fantastic Negrito et Allison Russell ont livré des prestations sans filtre jeudi au Festival international de jazz de Montréal (FIJM), tous deux abordant leur enfance difficile et le rôle salvateur de l’art dans leur parcours.

Une foule considérable était réunie devant la scène Rogers à 19 h pour le concert de Fantastic Negrito, chanteur et guitariste originaire du Massachusetts qui connaît son âge d’or à 57 ans, après avoir aligné trois prix Grammy pour le meilleur album de blues contemporain en 2017, 2019 et 2021. 

Avec son chapeau haut de forme, sa longue cape dorée et ses pantalons à rayures, le musicien évoquait à la fois Jimi Hendrix, James Brown et George Clinton, tout en affichant un style férocement singulier. Sur scène, il a décrit sa musique comme celle des « dieux d'Afrique rencontrant les fantômes du Mississippi ».

Avec son talent de raconteur, il alternait entre envolées vocales, anecdotes humoristiques et confessions candides d’un artiste qui se décrit comme le fils d’un homme brisé, comme il l’évoque sur son dernier album Son of a Broken Man (2024). 

Fantastic Negrito a lancé un premier album en 1996 sous son prénom de naissance Xavier, avant de relancer sa carrière en 2014 avec un nouveau pseudonyme.

Photo : Radio-Canada / Charles Rioux

Mes parents m’ont placé en famille d’accueil, ne faites jamais ça à vos enfants, a-t-il affirmé avant de se lancer dans Living With Strangers (« habiter avec des étrangers »), qui traite d'une réalité qu’il a connue après s’être fait mettre à la rue par son père ultrareligieux à seulement 12 ans. 

La musique diaboliquement efficace de Fantastic Negrito contraste toutefois avec la dureté de certains de ses propos. Avec ses excellents musiciens, il a offert une performance à tout casser, oscillant avec appétit entre blues, rock et funk dans un déferlement de guitares. Ajoutez à cela une savoureuse reprise de Sex Machine de James Brown, et vous avez un repas complet.

Allison Russell, pour l’amour de la culture et de Montréal

À 21 h, devant la scène principale TD, l’ambiance était plus tranquille pour le concert d’Allison Russell, chanteuse montréalaise lauréate d’un prix Grammy en 2024 pour sa chanson Eve is Black (meilleure performance American Roots).

Elle est arrivée sur scène avec ses trois musiciennes, joignant ses mains aux leurs pour lancer un cri de ralliement avant la prestation. Après une brève introduction a capella, Allison Russell a tout de suite fait un clin d'œil à sa ville natale en entonnant Montreal, chanson tirée de son album Outside Child (2021).

Son amour de la métropole est d’ailleurs revenu à plusieurs reprises au fil de la soirée, elle qui a quitté son foyer familial à Montréal à 15 ans, se retrouvant à Vancouver après avoir été abusée sexuellement par son beau-père pendant plusieurs années.

Alternant régulièrement entre l’anglais et le français – ainsi que la clarinette, la guitare et le banjo – Allison Russell s’est servie de son micro à plusieurs reprises pour parler de ses craintes pour sa descendance et pour lancer des messages d’espoir, tout en rappelant à quel point la musique avait été pour elle une bouée de sauvetage.

Les arts dans cette ville [Montréal], libres et accessibles à tout le monde, c’est tellement nécessaire. C’est la vie ou la mort, et pour moi, ça a été la vie, c’est la raison pour laquelle j’ai survécu à mon enfance, a-t-elle lancé vers la fin de sa prestation, en écho aux propos de Fantastic Negrito deux heures plus tôt sur les capacités thérapeutiques de l’art

Le FIJM se poursuit jusqu'à samedi à Montréal. En salle se tiendront notamment le concert de Violent Femmes et le spectacle-hommage pour le centenaire d'Oscar Peterson, alors que plusieurs concerts gratuits attendent encore le public, dont ceux d'Esperanza Spalding, Dylan Sinclair et PYPY.