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Orgo-Life the new way to the future Advertising by AdpathwayC’est vendredi que prennent fin les audiences publiques de la commission Gallant, qui a pour mandat de comprendre ce qui s’est passé dans la transformation numérique, coûteuse et cahoteuse, de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).
Alors que le commissaire Denis Gallant s’apprête à se retirer dans ses quartiers afin de rédiger son rapport et, surtout, ses recommandations, voici un retour sur certains témoignages marquants des derniers mois.
Des ministres sur la sellette
Après avoir fait relâche durant l’été, les travaux publics de la commission Gallant ont repris au milieu du mois d’août et n’ont pas tardé à entrer dans le vif du sujet. Au programme des audiences : plusieurs ministres du gouvernement Legault, jusqu'au premier ministre lui-même.
Au total, la Commission aura entendu les témoignages de cinq ministres en poste, en plus de ceux de François Legault et de son chef de cabinet, Martin Koskinen.
L’objectif : statuer sur qui savait quoi et quand, même aux plus hautes sphères du pouvoir, a répété le procureur en chef de la Commission, Me Simon Tremblay.
Jusqu'alors, tous les ténors du gouvernement, dont les ministres Éric Caire, François Bonnardel et Geneviève Guilbault, avaient juré qu’ils avaient appris les ratés du projet et, surtout, ses dépassements de coûts seulement à la publication du rapport de la vérificatrice générale, en février 2025, deux ans après le lancement de SAAQclic.
Une version des faits qui s’est peu à peu écaillée.
Au fil de la preuve, il est devenu clair qu'à la suite du lancement raté de SAAQclic, ils avaient été informés des dépassements de coûts passés et à venir. Le contenu du rapport de la vérificatrice générale ne pouvait pas, en ce sens, être une surprise totale pour eux.
Dans un des moments les plus marquants de la Commission, Geneviève Guilbault, prise au dépourvu par des documents, a dû admettre au commissaire Gallant qu’elle avait effectivement été informée en 2023 des surplus à verser aux firmes informatiques ainsi que des sommes qui seraient nécessaires pour résorber la tempête causée par SAAQclic.

Des journalistes au moment d'écouter le témoignage de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, devant la commission Gallant le 22 août 2025.
Photo : Radio-Canada / Mathieu Catafard
Cependant, la Commission n’est pas parvenue à établir que les ministres étaient bel et bien au courant des problèmes du programme CASA avant le lancement de la plateforme SAAQclic et tout le chaos qui s’est ensuivi, en février et mars 2023.
Au contraire, plusieurs documents montrent que les acteurs politiques ont reçu de l’information tronquée, voire inexacte, sur l’avancement et les coûts du projet.
C’est sur cet aspect que François Legault a insisté lors de son témoignage. L’essentiel du problème vient des dirigeants de la SAAQ, a-t-il répété devant le commissaire Gallant tout en admettant que ses ministres auraient pu poser plus de questions.
S'il a maintenu, pour sa part, qu’il n’avait pas été mis au courant des dérapages et des dépassements de coûts avant février 2025, il a néanmoins dit estimer qu’« on aurait dû [l]’en informer ».
Karl Malenfant, un témoin attendu
Six jours de témoignages : c’est ce qu’il aura fallu pour entendre la version des faits de l’ancien directeur du projet de transformation numérique de la SAAQ, Karl Malenfant.
Dire que son passage devant la Commission était attendu est un euphémisme. Son nom avait été prononcé par la quasi-totalité des témoins qui avaient jusque-là défilé devant Denis Gallant.
Nombre d’entre eux avaient dépeint M. Malenfant comme un homme confiant, en pleine maîtrise de son dossier, qui avait, selon les mots de plusieurs, réponse à tout, un portrait fidèle de l’homme qui s’est présenté devant le commissaire Gallant.

Le grand responsable du projet CASA de la SAAQ, Karl Malenfant, au moment d'arriver à l’édifice Andrée-P.-Boucher, à Québec, le mercredi 17 septembre 2025, en vue de sa comparution devant la commission Gallant.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
De façon quasi systématique, il a offert une lecture des faits différente, voire opposée, à celle que lui soumettait le procureur chargé de son interrogatoire, Me Alexandre Thériault-Marois. Ce que vous venez de dire est faux, a-t-il répété tout au long de son témoignage.
Sa tendance à devancer les questions et à interrompre le procureur a semblé exaspérer le commissaire Denis Gallant, ce qui a donné lieu à plusieurs échanges tendus, dont une prise de bec tonitruante avec l’avocat de M. Malenfant, Me Jean-François Bertrand.
Pour le reste, le témoignage de Karl Malenfant a mis en lumière ses relations avec sa garde rapprochée, dont les consultantes externes Madeleine Chagnon et Louise Savoie, qui ont toutes deux obtenu de gros contrats avec la SAAQ. Des amies professionnelles et non personnelles, a insisté M. Malenfant pour décrire Mado et Loulou, comme il les appelait dans de nombreux échanges courriels déposés en preuve.
Un avantage clair pour SAP
L’histoire de SAAQclic, c’est aussi l’histoire de contrats informatiques.
À l'époque, la SAAQ envisageait de construire elle-même ses nouveaux systèmes informatiques, ce que l'on appelle un développement maison. Cette option a été abandonnée en 2015, lorsque la SAAQ a plutôt choisi d'opter pour un progiciel de gestion intégrée (PGI), c'est-à-dire un logiciel tiers, acheté sous licence et personnalisé pour les besoins du client.
La SAAQ a choisi le progiciel conçu par le géant allemand de l’informatique SAP. C’est cette firme, conjointement avec l’éditeur LGS (la branche canadienne d'IBM), qui a décroché le grand contrat de 458 millions de dollars en 2017 pour la refonte des systèmes informatiques de la société d’État.
Or, on sait aujourd’hui que SAP était impliquée dans des discussions avec la SAAQ et avec Karl Malenfant bien avant de remporter ce contrat. M. Malenfant était familier avec SAP pour avoir fait affaire avec cette firme lors de son passage à Hydro-Québec.

La multinationale SAP est une des plus grandes entreprises d'Allemagne.
Photo : Getty Images / Thomas Lohnes
Des courriels ont montré que dès 2014, la consultante Louise Savoie agissait comme une courroie de transmission informelle entre SAP et M. Malenfant.
Cette firme avait entrepris de former le personnel de la SAAQ à l’utilisation d’un PGI en prévision de l’appel d’offres. Son PGI, évidemment.
Début octobre, l’ancien directeur au développement des affaires, secteur public, de SAP, Guy Cossette, a expliqué au commissaire Gallant comment ces ateliers – gratuits – avaient fait partie de sa stratégie pour implanter sa firme à l’intérieur de la société d’État. Un travail de prévente, a-t-il dit.
Et ce travail aura été payant, puisque SAP a rapidement été sélectionnée comme seul éditeur qualifié dans le processus d’appel d’offres, une victoire que Guy Cossette a comparée au fait de remporter la coupe Stanley dans son témoignage.
Sauf que les logiciels prêts-à-porter de SAP n’étaient pas adaptés aux visions des responsables de la SAAQ, qui souhaitaient, entre autres, revoir complètement sa façon d’émettre des permis de conduire et des certificats d’immatriculation.
Ainsi, l’ex-président de LGS Michel Dumas a révélé dans son témoignage que le logiciel à la base de SAAQclic était en fait un logiciel de gestion de pièces d’entrepôt, qu’il a fallu adapter et personnaliser pour les besoins de la société d’État.
Cette personnalisation du PGI a été pointée par de nombreux témoins et experts comme une des causes principales des dépassements de coûts.
Les impacts insoupçonnés du fiasco SAAQclic
On savait que le lancement de la plateforme SAAQclic avait causé de longues files d’attente devant les points de services de la SAAQ, à l’hiver 2023, et avait causé bien des maux de tête aux conducteurs québécois.
Ce qu’on savait moins, c’est l’impact de ce lancement raté sur l’ensemble des partenaires, entreprises ou organismes qui comptent sur la SAAQ pour leurs activités de tous les jours.
L’enquêteur pour la Commission Michel Comeau est venu donner un aperçu de l’ensemble des déboires causés par SAAQclic.
Plaques d’immatriculation impossibles à produire ou alors imprimées en double, erreurs de facturation, impossibilité de créer des dossiers pour des clients, mauvaises informations sur les conducteurs transmises aux tribunaux, véhicules déclarés volés alors qu’ils ne l’étaient pas : M. Comeau a égrainé pendant près de deux heures les nombreux problèmes subis par les concessionnaires automobiles, les policiers et même les cours municipales, dont certains ne sont toujours pas réglés à ce jour.

Michel Comeau est enquêteur à la commission Gallant.
Photo : Capture d'écran
Parmi les nombreux exemples énumérés, retenons le cas d’un jeune garçon atteint d’un cancer, dont la famille a été encerclée par des policiers, armes en joue, parce qu’on croyait que leur voiture, qui sortait de l’hôpital, avait été volée.
L’enquêteur a estimé que les divers problèmes informatiques ont coûté des millions de dollars aux organisations qu’il a sondées. L’impact s’est fait sentir dans de nombreuses villes du Québec. Les cours municipales comptent sur les données de la SAAQ. De plus, puisque les données fournies par les nouveaux systèmes n'étaient pas fiables, de nombreuses poursuites ont dû être abandonnées et des contraventions sont restées impayées.
Les Québécois devront éponger la facture
Ce n’est pas une question de prix. On est milliardaires, à la SAAQ.
C’est ce qu’a affirmé Karl Malenfant lorsqu’il a rencontré les enquêteurs de l’Autorité des marchés publics, plus tôt cette année. La transcription de cet échange, présentée en partie lors de son témoignage à la Commission, met en lumière les à-priori de l’ex-vice-président aux technologies de l’information quant à la situation financière de la SAAQ.
Or, il n’en est rien. Cette société d’État traîne depuis des années un déficit cumulé que les ratés de SAAQclic devraient bientôt faire passer au-delà de la barre du milliard de dollars.
Non seulement les nouveaux systèmes informatiques de la SAAQ devaient lui permettre d’effacer sa dette, mais cela devait aussi se faire à coût nul pour les Québécois. Or, ce gouffre financier a plutôt été creusé par ces systèmes, et la société d’État envisage d’augmenter les frais administratifs facturés aux conducteurs pour se renflouer.
La SAAQ envisage également de reclasser certaines de ses activités, notamment les examens de conduite, afin de les faire payer par le Fonds d’assurance pour les accidentés de la route.
On a également appris, grâce au témoignage d’un émissaire du ministère des Finances, que la SAAQ avait promis de revenir à l’équilibre budgétaire en 2028. La dette totale, elle, devrait être remboursée d’ici le 31 décembre… 2042.
Des conséquences?
En terminant son passage devant le commissaire Gallant, François Legault avait estimé que les Québécois s’attend[aient] à des conséquences pour les responsables du fiasco SAAQclic.

Le premier ministre François Legault au moment de témoigner devant la commission Gallant le mardi 2 septembre 2025.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Il reste encore à voir quelle forme et quelle portée pourront avoir ces conséquences évoquées par le premier ministre. La plupart des acteurs du fiasco SAAQclic, dont Karl Malenfant et l’ex-PDG Nathalie Tremblay, sont aujourd’hui à la retraite.
D’autres se sont trouvés une nouvelle niche dans la fonction publique. C’est le cas du successeur de Mme Tremblay, Denis Marsolais, qui préside aujourd’hui l’Office de la protection du consommateur. L’ancien président de LGS et vis-à-vis de Karl Malenfant, Michel Dumas, est aujourd’hui vice-président à la CNESST.
Jusqu’ici, seule l’ex-bras droit de Karl Malenfant, Caroline Foldes-Busque, qui lui avait succédé à la tête de la vice-présidence aux technologies de l’information, a été congédiée.
Les ministres qui, a dit M. Legault, ont manqué de curiosité en ne talonnant pas davantage la SAAQ sur son projet sont pour la plupart toujours en poste. Seul François Bonnardel, qui était aux Transports entre 2018 et 2022, a été écarté du Conseil des ministres lors du dernier remaniement. Geneviève Guilbault, elle, a hérité du portefeuille des Affaires municipales, une demande de sa part.
Questionné à ce sujet cette semaine, le cabinet de M. Legault a estimé que le premier ministre a été clair sur la nécessité d’améliorer la culture d’imputabilité au sein de la fonction publique et des organisations gouvernementales.
Lorsque nous aurons des annonces à faire, nous les ferons, a-t-on ajouté.
Le commissaire Denis Gallant a maintenant jusqu’au 13 février 2026 pour déposer son rapport et ses recommandations.


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